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Comme dans un rêve...
26 janvier 2016

RUE DU REPOS.

JEAN-PIERRE. RUE DU REPOS.

 

LACHAISE 2

 

 Au bout d'un moment, vint une autre femme ; C'était elle, l'Espagnole que j'ai déjà nommée. Mais, elle venait pour Gérard de Nerval, dont la tombe est face à celle de l'auteur de La Comédie humaine. Ce n'était pas un tombeau remarquable et ça ne l'est toujours pas ; et ceci pour une simple raison. Nerval est l'hôte d'un de ses amis, Charles Coligny. IL n'a rien à lui en fait et colonnade qui leur sert de tombeau ne comporte aucune figure humaine ; Elle est surmontée d'une vasque de pierre emplie de fleurs scultptées. La jeune fille m'aimanta. Même encore aujourd'hui, après avoir été son mari pendant des années et l'avoir perdue brutalement, je ne comprends pas ce qui m'attira... Évidemment, elle était plutôt jolie : petite, très brune, sanglée dans un tailleur sage et joliment maquillée. Elle regardait fixement la tombe et je trouvais si absorbée dans sa contemplation que je me demandais si Nerval ne se substituait pas à la colonnade pour lui raconter son histoire et sa création poétique.

Comme je me décidai à quitter Balzac pour poursuivre mon chemin, elle m'arrêta et me demanda si j'avais lu El Desdichado et Une allée du Luxembourg. Oui, je connaissais ces vers et d'autres de ce poète. Me touchaient-ils ? Je la déçus en disant non.

Ce que j'avais vécu avec la guerre me faisait chercher des hommes forts, qui parlaient haut. Nerval murmurait. Elle n'était pas d'accord et dès que je la revis devant la même tombe, elle entreprit de me convertir. Elle m'en récita pourtant presque toute l’œuvre. Elle la connaissait par cœur. Je finis par adhérer à son côté mystérieux. Elle me montra d'autres tombes, parmi lesquels celle de Proust. L'élégant jeune homme devenu le prisonnier de la chambre de liège. A l'époque, le grand écrivain reposait dans un caveau de famille mais celui-ci ayant fait l'objet d'attaques et de dégradations, son corps fut transféré dans une tombe individuelle. Elle est celle que le promeneur peut voir aujourd'hui.

Maria, devant le caveau familial, fut aussi prolixe pour Proust qu'elle l'avait été pour Nerval ; Je fus éblouie. Vous allez me dire que je tombais progressivement amoureux d'une jeune fille qui passait sa vie à citer l’œuvre de morts illustres et que grâce à elle, je devins plus érudit ...Enfin, c'est ironique, assez drôle mais faux. Elle ne s'intéressait qu'à certaines tombes, celles de créateurs qu'elle avait aimés et qui l'avaient aidée à surmonter la perte de ses parents et une vie en France qui ne ressemblait pas à sa vie espagnole. A un moment clé de sa vie, elle s'était immergée dans leurs écrits.

Ils lui avaient permis de respirer. J'admis ses raisons et les crus miennes. Nous avions respectivement vingt-deux et vingt-cinq ans lors de notre mariage. Bien entendu, j'avais déménagé et lui offris un joli cadre de vie. Je devins magistrat. Elle devint décoratrice et se rapprocha de gens de théâtre.

Toutes les semaines, nous marchions dans le cimetière. Nous guettions les dates : celle de notre première rencontre, celle d'un premier janvier où nous avions absurdement voulu nous promener dans le grand cimetière fermé à cette date, celles où ils nous avaient semblé que plus grand chose et surtout plus grand monde ne nous étaient inconnus dans ces lieux et que nous en étions devenus de fins connaisseurs.

France-Aile

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